Témoignage de Marine (Sage-femme) et de Titouan (pédiatre) 

Novembre 2023

         

Nous venions de passer une année intense à Mayotte et nous avions envie de prendre une petite pause de notre domaine médical, et reprendre un peu plus contact avec la nature et le vivant. Nous sommes venus au Paradis Bleu, sans trop d'attentes excepté le fait de vouloir apprendre à travailler la terre et les principes de la permaculture, et nous avons tout fait sauf travailler la terre...
L'aventure s'est donc construite non pas autour de notre envie, mais bien des besoins communiqués par Meline: s'occuper de la santé des enfants du Paradis Bleu, donner un coup de main d'une manière ou d'une autre au dispensaire de Befotaka, réfléchir ensemble autour du projet dispensaire... Après un petit temps d'adaptation à la vie locale, entre la toilette sèche turque, la douche à l'eau du puits, les cafards et petits milles pattes dans la case,... nous nous sommes mis au boulot!


Lors de la visite des classes à la rencontre des enfants, après nous avoir questionné sur notre relation, si nous étions mariés, avions un enfant, sur les nouvelles dans notre pays, beaucoup d'enfants ont relaté avoir du sang dans les urines (symptôme typique de la bilharziose), des maux de tête, des problèmes de vue, les yeux qui grattent, etc. En réflexion avec le médecin du village, nous avons organisé une visite médicale à l'école pour les enfants étant symptomatiques, 135 enfants ont pu être traités de la bilharziose. 50 enfants ont été examinés pour leurs autres symptômes et aiguillés avec les moyens du bord. A savoir que la majorité des familles n'ont ni l'argent pour payer les médicaments, ni envoyer les enfants en ville (au moins 3h de taxi brousse) pour consulter un spécialiste (notamment ophtalmologue, chirurgien ou même un pédiatre). Après avoir collé différentes feuilles A4 avec du scotch et avoir calculé l'échelle, nous avons tenté de reproduire le test de Monoyer pour évaluer la myopie de l'enfant, très importante pour qquns d'entre eux, au point d'être obligé de se coller au tableau pour parvenir à lire les lettres. Très frustrant pour nous qui avons le luxe de pouvoir aller consulter un ophtalmologue, avoir des opticiens à chaque coin de rue, de se retrouver confronté à ça, sans pouvoir proposer de solution rapide.
Idem pour les dents des enfants, pour la majorité, en très mauvais état, avec de nombreuses caries pouvant elles aussi donner des maux de tête importants.
L'éducation à la santé et l'information ont été nos meilleurs outils.



Sans le savoir avant d'y être, le médecin du village nous a intégré à une action de soins de proximité (organisé à chaque propagande électorale, lorsqu'ils ont "la chance" de recevoir des stocks de médicaments). Les patients, tout âge confondu, peuvent consulter et être traités gratuitement le temps d'une journée. Il y avait deux médecins, 4 infirmières et 2 sages-femmes. De manière complètement naïve, nous avons été surpris de la débrouillardise du personnel présent. De prendre conscience que sans nos examens complémentaires et bilans, on se retrouve bien embêtés et démunis. On a du faire confiance à notre clinique, apprendre la leur, issue aussi de leur expérience avec les pathologies d'ici. Le mardi c'était jour de vaccination et consultations pédiatriques et le jeudi consultations prénatales, où nous avons également passé du temps et utilisé les moyens du bord. Nous en avons profité pour parler de la réanimation néonatale. Nous avons montré comment ça se passe en Belgique. On a essayé de concocter un petit protocole basé sur les recommandations internationales mais surtout adapté à leur réalité, tant pour les situations que pour le matériel disponible. L’échange a été vraiment riche.


Toujours en restant dans la santé, Méline nous a fait part de son futur grand projet, qui serait selon elle un aboutissement. A Befotaka, comme dit plus haut, la première ville avec des spécialistes est à 3 heures de taxi-brousse. Beaucoup de patients, même si le bon diagnostic est posé au village, sz dégradent fortement voire décèdent sur le chemin du bloc opératoire... On parle par exemple d'appendicite ou de césarienne (pour n'en citer que deux), opérations banales chez nous. Pour palier à cela, et par manque de soutien de l'Etat, Meline souhaite construire un dispensaire chirurgical.


Elle a déjà le chirurgien, Monsieur Honoré, qui est d'accord de déménager à Befotaka à sa retraite en 2024 pour devenir le chirurgien du dispensaire. Il lui restera à trouver un anesthésiste et les membres de l'équipe paramédicale. Mais avant tout ça, il faut le construire ce dispensaire. Après de belles discussions et échanges sur les moyens et priorités du projet, nous avons élaboré un plan d'un bâtiment de 192m² qui semble remplir les différents critères de Meline.
A ce plan, s'ajoute une liste du matériel basique mais essentiel à avoir dans une salle d'opération, ainsi que le détail de la gestion des déchets (matériaux et organiques), l'approvisionnement en eau et électricité, le fonctionnement interne du dispensaire.

Le coût global serait entre 10 000 € et 15 000€


Lors d'un week-end libre quand Meline est partie à Ambanja, l'inspiration de décorer la case des Voyageurs nous est venue. Y mettre de la couleur et inscrire ce que le paradis bleu nous évoquait. C'était notre manière à nous de la remercier pour son accueil.



Passer du temps avec Meline a été un réel cadeau pour nous, l'écouter parler de sa vie (ou plutôt de ses 1001 vies), de ses nombreux combats pour son village, la santé l'émancipation des filles et des femmes,... et tout ça, sans jamais espérer un sous. Une petite femme en taille, une grande dame dans le cœur. Une vraie source d'inspiration, d'humilité, et de volonté. Les valeurs que portent les femmes du FRN et qu'on a eu l'honneur de rencontrer lors de leur rassemblement annuel. Quel privilège d'avoir été baignés dans leur joie de vivre, leur chaleur humaine et leurs sourires. Merci au vin de coco d'exister et au rhum pour le petit coup de boost pour bouger nos fesses avec elle tout l'après-midi 🥳



 

TÉMOIGNAGE DELPHINE PINSON NOV 2023

Delphine est Institutrice et a passé 3 jours au PB. Elle était accompagnée de ses 2 filles de 3 et 5 ans

De mon passage au Paradis Bleu, il ne reste pas une photo. Là-bas, je n’ai pas eu envie de les sortir les trucs à photos. Des souvenirs, en revanche, il y en a. La marche du soir pour aller chercher les bières au village, les enfants qui rit aux éclats, tous nus, se rafraîchissant au bord du puits. Ce puits ou il se passe tant de rencontres, d’allers et venues, de « bonjour comment tu t’appelles », des souvenirs à l’école, où mes enfants se sont glissés du haut de leurs trois et cinq ans, au cœur d’une classe gasy d’une quarantaine d’enfants revisitant toutes les chansons d’enfants françaises et dont ils se souviennent encore. Des danses que nous avons proposé dans la cour d’école.

Je repense toujours à Befotaka à chaque fois que ma fille fait son petit pipi nature car c’est là, à la récré, au milieu de cette fourmilière de petites filles, que Léa a vraiment compris comment ça s’organise cette chose là… Alors la récré du Paradis Bleu elle est souvent là parmi nous, dans notre quotidien d’enfants natures. Befotaka, une tranchée creusée avec l’ami Philo, des discussions à n’en plus finir avec Méline, et au soir les danses des internes en cadeau pour philo… Et la danse, quand elle arrive, elle nous envoute toujours, on ne peut pas se retenir de se lever à notre tour et d’en être. Ici, la danse c’est la relation il n’y a plus de jugement, de pudeur, c’est juste « l’être ensemble » qui compte.

Méline m’a grondée. Moi, institutrice de profession, quand je lui ai dit que je ne suis pas venu dire aux autres comment il doit faire, elle m’a grondée. Alors tu viens là, tu profites de notre pays, et tu ne vas pas nous donner ce que tu as de plus précieux ? Ça va pas ça! « Mes blocages philosophiques, mais dégoûts de l’humanitaire parfois… Alors j’y suis allée, j’ai raconté des histoires, j’ai proposé des petites choses…

Mais tout ça, tout ce Paradis Bleu, c’était trois jours seulement. Trois jours inoubliables mais trois jours seulement. Trois jours qui reviendront peut-être un jour.

Merci pour ta force, ta détermination sans fin Méline, tu es une femme incroyable et toi, Philo merci d’avoir mené nos pas vers ce lieu de combat qui contribue chaque jour à mettre les hommes et les femmes de demain debout !

Retour à l'accueil